La planche à calandrer (parfois appelée planche à lisser) est un des objets d’art populaire les plus émouvants et intéressants qui soient. Ancêtre du fer à repasser et cousin du battoir, cet ancien outil domestique servait à calandrer le linge, c’est-à-dire à en ôter les plis après le lavage. La planche à calandrer, sculptée dans un seul morceau de bois (le plus souvent du chêne, du hêtre ou du pin), était toujours utilisée avec un rouleau à calandrer, autour duquel il fallait enrouler soigneusement un tissu droit (serviette, torchon, drap, …) légèrement humide. L’utilisatrice saisissait la poignée de sa main dominante et posait l’autre main à plat près de l’extrémité de la planche. D’un mouvement de va-et-vient, elle pressait la planche contre le linge, qui était alors aplani mais aussi assoupli, car le linge de maison était alors en lin, un tissu assez rêche.
Paysanne finlandaise utilisant une planche à calandrer, 19ème siècle
Représentation d'une femme en train d'utiliser une planche à calandrer, sculptée sur une planche à calandrer de Norvège, datée de 1793 (collection privée)
Il est difficile de situer avec précision l’origine de la planche à calandrer, mais elle semble avoir été initialement propagée par les Vikings dans les régions côtières d’Europe du Nord. La plus ancienne avérée est une planche norvégienne trouvée à proximité de Bergen et datée de 14441. Toutes les planches à calandrer antérieures à 1600 se caractérisent par la simplicité de leur forme, la discrétion de leur ornementation et l’absence de poignée figurative et de peinture. Cette sobriété et cette uniformité permettent de penser qu’elles étaient alors de simples outils domestiques dont la finalité était exclusivement utilitaire et ménagère.
Planche à calandrer de Suède portant la mention « ANNO 1560 » (collection privée)
C’est au 17ème siècle qu’apparurent les planches à calandrer ornées de sculptures en bas-relief ou en haut-relief, éventuellement peintes avec une à trois couleurs. Délaissant le minimalisme initial, leur poignée représentait un cheval, une sirène ou un lion, figuré de façon réaliste ou stylisée, parfois même abstraite ou baroque2. Dès 1610, les planches à calandrer ornées se généralisèrent et adoptèrent un style, une forme et des décorations propres à leur région de production. Des ateliers d’ébénistes se constituèrent, qui copièrent un même modèle à une échelle artisanale, modifiant seulement les couleurs utilisées et l’ordonnancement des motifs. De nombreuses planches à calandrer furent également réalisées par des amateurs ; la qualité et la créativité de la sculpture variaient alors en fonction de leurs aptitudes personnelles.
Planche à calandrer du Danemark avec un cheval au galop, deux colombes s’embrassant, un cœur et des initiales entrelacées, avec son rouleau à calandrer d’origine, vers 1780 (collection privée)
À l’évidence, cet intérêt soudain pour l’esthétique révèle un changement d’essence. La planche à calandrer, tout en restant fonctionnelle, se mua en un cadeau d’amour que le fiancé offrait à sa bien-aimée avant le mariage. La beauté et la qualité de la planche à calandrer témoignaient par ailleurs de l’aisance du futur époux. Dans certaines régions, la légende veut même que la planche à calandrer officialisait une demande en mariage. Le prétendant en accrochait une à la porte de la maison où vivait la femme qu’il désirait épouser ; si la planche restait sur la porte, la demande était rejetée, et l’admirateur éconduit ne pouvait pas l’offrir à une autre femme. Ceci expliquerait pourquoi certaines planches à calandrer ne portent pas d’initiales (généralement trois) ni de date (l’année du mariage) et que les emplacements prévus à cet effet sont restés vierges.
Planche à calandrer de Norvège, du « Maître au lion » (anonyme), avec des rinceaux de feuilles d’acanthe et une couronne royale, un modèle copié ultérieurement par d’autres artisans, vers 1840 (ancienne collection W.J. Shepherd, collection privée)
La production de planches à calandrer atteignit son pic à la fin du 18ème siècle, époque où les styles régionaux étaient si fermement établis qu’il est possible d’identifier la provenance géographique d’une planche avec une grande certitude. Le phénomène s’étendait de l’Alsace (France) à la Russie, en passant par les Pays-Bas, l’Allemagne, le Danemark, la Suède, la Norvège, l’Islande, la Finlande, les îles Britanniques et, dans une moindre mesure, quelques pays d’Europe centrale et de l’Est. Vers 1860, le nombre de planches à calandrer diminua considérablement et leur style entra en décadence, signe qu’elles perdirent leur signification symbolique et donc leur importance. Les ornements se mirent à être répétés mécaniquement, les symétries parfaites furent privilégiées, la sculpture disparut au profit de la peinture et la créativité déclina de façon générale. Bien qu’elles fussent utilisées par certaines femmes jusqu’en 1950, les planches à calandrer n’étaient plus alors qu’un reliquat du passé. Ce merveilleux artisanat a désormais disparu.
Planche à calandrer figurative du Danemark, d’un atelier bien connu installé à Sigersted, datée de 1804, avec deux oiseaux, un cœur, un vase contenant des fleurs et plusieurs maisons (collection privée)
Planche à calandrer en noyer, datée de 1774 et provenant du Schleswig-Holstein (Allemagne). La poignée est en forme de sirène et la planche présente en haut-relief une femme tenant une ancre dans une main et une colombe dans l’autre (symboles chrétiens de l’espérance et du Saint-Esprit). Collection privée
1 Elle est conservée au musée Norsk Folkemuseum d’Oslo, numéro d’inventaire NM.0049693.
2 Sauf les planches à calandrer hollandaises (généralement originaires de la province de Frise), qui n’ont jamais eu de poignée figurative.
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Je suis un collectionneur belge qui s’intéresse depuis de nombreuses années à l’art populaire scandinave, français et européen, au folklore et à l’art scandinave. Je collectionnais initialement les outils anciens et les fers à repasser anciens, mais je recherche désormais les vieilles planches à calandrer d’avant 1900. J’achète les planches à calandrer de toutes les origines : Scandinavie (Danemark, Suède, Norvège, Finlande, Islande), Pays-Bas, Allemagne, Alsace (France), Autriche, îles Britanniques, Europe centrale, Europe de l’Est et Russie. Je cherche aussi bien les planches à calandrer simples et rustiques que les planches à calandrer finement sculptées et/ou peintes, avec ou sans poignée figurative (en forme de cheval, de sirène ou de lion). Si vous avez une planche à calandrer à vendre ou à échanger, ou si vous aimeriez avoir plus d’informations sur une planche à calandrer que vous possédez, vous pouvez me contacter via l’adresse e-mail
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Les planches à calandrer que j'ai vendues au fil des ans sont à découvrir ici.
Planche à calandrer de Norvège, avec un motif floral polychrome et une extraordinaire poignée en forme d'ours assis (unique à ma connaissance). Première moitié du 19e siècle (collection privée)
Planche à calandrer de Norvège, avec une poignée florale baroque qui n'est pas sans rappeler l'Art nouveau, avec un siècle d'avance. Fin du 18e siècle (collection privée)
Détail d'une planche à calandrer d'Allemagne, datée de 1792, avec une poignée en forme de sirène (collection privée)
Détail d’une planche à calandrer archaïque de Suède avec la présence exceptionnelle d'un poulain sous la poignée en forme de cheval, datée de 1731 (collection privée)
Planche à calandrer de Hongrie, datée de 18** (illisible), ornée d'un oiseau et avec une surface inférieure en demi-lunes (ancienne collection Pierre Bellemare, collection privée)
Détail de la poignée d’une planche à calandrer du Danemark avec un cheval presque abstrait, datée de 1804 (collection privée)
Planche à calandrer du Danemark avec des motifs géométriques (roue, rouelle, rose, rosace, zigzag) et des clous de tapissier, datée de 1795 (collection privée)
Planche à calandrer du Danemark avec un cheval stylisé, datée de 1774 (collection privée)